dimanche 19 janvier 2014

La Brigade ouvrière suisse. La Dalia (2)

La Brigade ouvrière suisse.

En mai 1984, la première Brigade ouvrière suisse (BOS) arrive au Nicaragua alors que la guerre bat son plein. Le pays est entièrement mobilisé pour défendre  la Révolution. Concrètement dans le secteur de La Dalia, au Nord de Matagalpa, des centaines de personnes se sont repliées et vivent dans des asentamientos, en raison des incursions permanentes de la Contra. La Dalia se situe entre les cordillères Dariense et Isabelia, un axe Nord-Sud,  véritable route empruntée par les commandos contre révolutionnaires en provenance du Honduras. Cette zone de production de café devint  un secteur stratégique pour le gouvernement sandiniste qui redoubla d’efforts pour maintenir et accroître la production, source de devises.
Plaza central de La Dalia. La alcaldia municpal y la casa materna. (Foto L. Sanchis -2011)
Plaza central de La Dalia. La alcaldia municpal y la casa materna. 
(Foto L. Sanchis -2011)
Un accord fut conclu avec le Minvah (ministère du logement) pour un programme de construction de 40 maisons. Ce type de coopération est une particularité car la plupart des brigades internationalistes participaient aux récoltes ou bien à la construction d’infrastructures en se relayant pour des périodes de quelques mois. La BOS arriva à La Dalia en 1984 pour n’en repartir qu’à la fin de la Révolution ; certains membres de la BOS firent un séjour court tandis que d’autres demeurèrent tout au long du processus révolutionnaire… et après.

Rétrospectivement, Fabio estime que la BOS arriva dans la zone à un moment crucial. Dans le secteur de la Dalia, tout était à faire. La plupart de terres disponibles avaient été confisquées aux collaborateurs de Somoza ou bien acquises par les autorités en raison de l’endettement de leurs propriétaires. Dans un premier temps – en 1983-, il fut décidé d’établir un « pôle » à Yale pour développer les projets révolutionnaires : réforme agraire, santé, éducation, logement… Là-bas, les Suisses comme Yvan ou Felipe connurent les conditions de vie des paysans. Il était urgent d’améliorer les conditions de production, d’organiser les communautés, de construire les infrastructures nécessaires. Pour atteindre ces objectifs essentiels, il fallait défendre la Révolution. Certains comme Yvan se sont peu à peu politisés.
Les Suisses se sont intégrés à la population car ils travaillaient avec les Nicaraguayens. Leurs ateliers permirent la formation de dizaines de professionnels et de techniciens en maçonnerie, eau potable, mécanique… L’impact humain fut énorme. De nos jours, de nombreux professionnels qui travaillent dans la zone sont issus de ces ateliers. Les gens ont dû participer pour accéder au programme de construction, on échangeait des idées, des expériences. Fabio rappelle que le « pôle de Yale » servit de leçon, ce fut une expérience de grande valeur en zone de guerre.

Par la suite, d’autres projets furent réalisés selon ce principe intégrant la population : la Casa Campesina à la Dalia afin d’avoir un lieu de réunion et de logement temporaire pour les habitants des communautés alentours, les constructions de maisons à La Primavera, El Galope, El Carmen et les UPE de El Hular et San Antonio. A La Dalia, des ateliers furent établis afin de mener plus efficacement les projets. Il fallait pouvoir répondre aux besoins en termes de construction, de réparation mécanique, d’eau potable et de menuiserie. Dans ce sens, la BOS a accompagné le processus de décentralisation puisque La Dalia avec ses équipements devint autonome en 1988 avec la création d’une municipalité.

-Claude : « Nous considérions qu’aider les UPE était une urgence dans cette zone de production de café. Dans les UPE, les ouvriers agricoles travaillaient dans des conditions difficiles : manque d’eau, la nourriture était déficiente car certains contremaitre volaient une partie des provisions… l’amélioration des conditions de vie de ces personnes nous paraissait essentielle dans le cadre du projet révolutionnaire ».

La question se posa au sein de la brigade s’il était préférable de favoriser la construction au sein des UPE ou dans les coopératives, reproduisant ainsi le débat entre les tendances plus communistes ou plus anarchistes de la gauche. Certes, un avis pouvait être donné mais c’était en dernier lieu la Casa de gobierno de Matagalpa qui décidait des secteurs de travail en fonction des priorités du projet révolutionnaire et de la sécurité des zones. L’urgence était d’augmenter et de sécuriser la production de café, de construire des infrastructures, des maisons pour les ouvriers agricoles… la BOS était à disposition des autorités politiques locales qui décidaient des zones d’affectation.

L’autre contrainte était la sécurité dans cette zone de guerre. Le Ministère de l’intérieur (MINT) orientait aussi la localisation des brigadistes et des projets pour des raisons évidentes. Par exemple, El Castillo appartenait à La Dalia mais la zone était trop éloignée et soumise à la menace constante de la Contra. La brigade suspendit sa présence dans ce village. La priorité était de garantir la production et de ne pas faire courir de risques inutiles malgré le cantonnement d’un poste militaire chargé de faire face aux incursions à deux kilomètres de La Estrella.
La Casa campesina construida por los brigadistas en La Dalia convertida en Casa materna. (Foto L. Sanchis - 2011).
La Casa campesina construida por los brigadistas en La Dalia convertida en Casa materna. (Foto L. Sanchis - 2011).

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