samedi 25 janvier 2014

La Brigade ouvrière suisse. La Dalia (3).

La vie dans la brigade.

-Claude :  « Mon arrivée au Nicaragua… A l’aéroport de Managua, une responsable est venue nous chercher. Nous arrivions avec une caisse à outil de 40 kilos et notre sac. Le véhicule que nous devions prendre était en panne. Nous avons donc profité d’un camion qui venait de charger une grue à Managua pour se rendre à Matagalpa. Je me souviens qu’en arrivant à Matagalpa, la flèche de la grue arracha les fils de téléphone… Ce qui selon nous aurait dû être une catastrophe sema l’hilarité chez les nicas. Ensuite, un véhicule nous attendais et nous transporta jusqu’à La Dalia. Nous avons dormi à même le sol, l’ambiance était tendue entre les brigadistes qui nous reçurent. Je garde ce souvenir : il pleuvait, les gens se faisaient la gueule, nous n’avions rien à manger, pas de lumière. Dans le village, il y avait un petit resto et un unique bar qui vendait du rhum Plata à des types habillés en vert, armés de fusils… et en plus le coassement constant des grenouilles… C’était désespérant : si c’est ça le Nica, je préfère me barrer ! Le lendemain matin, il y avait du soleil et tout a changé… »

Avec le développement de la solidarité et l’arrivée de dizaines de brigadistes suisses au Nicaragua, les autorités helvétiques tentèrent d’enrayer ce mouvement.  Dans la presse, l’extrême droite tapait fort sur les internationalistes, des informations ou plutôt de la propagande antisandiniste circulait. Lorsque Claude dû rentrer en Suisse après son premier séjour au Nicaragua, son patron lui demanda si effectivement, des missiles soviétiques étaient installés à Matagalpa ! Autant d’arguments présentant le Nicaragua comme un facteur d’agression dans la région rejoignant en tous point la rhétorique reaganienne. Une photo d’Yvan Leyvraz circula le montrant armé d’un .38. C’était concrètement un photomontage. Après la mort d’Yvan, le gouvernement suisse a tenté de bloquer la solidarité, en empêchant la sortie de matériel vers le Nicaragua ou d’interdire aux Suisses de sortir de la ville Matagalpa pour se rendre dans les zones où ils travaillaient.
Ivan Leyvraz, "cabello de oro" siempre en el corazon de los nicas. Foto sacada del folleto publicado en memoria a Benjamin Linder.
Ivan Leyvraz, "rizo de oro" siempre en el corazon de los nicas. Foto sacada del folleto publicado en memoria a Benjamin Linder. (Managua, 2011)
La brigade fut une expérience pour tous. Le changement de continent, les problèmes de santé, l’adaptation à la précarité de la vie en zone rurale soumise à la guerre fit émerger un nouveau type de fraternité.

« Nous étions tous idéalistes, on recherchait tous une forme de révolution qui dépendait de notre parcours : certains avaient travaillé en entreprises, d’autres vivaient en collectifs, il y avait différentes cultures politiques, différentes visions… Ceci ajouté à une réalité difficile, aux difficultés de santé, le manque de nourriture, les tensions dans les zones de combat… tout ceci faisait qu’il fallait construire une forme de camaraderie dans le groupe pour éviter les tensions ».

La BOS signait des contrats pour la réalisation de projets et était en lien constant avec le gouverneur local – le cadre politique du FSLN- ; ce cadre formel était nécessaire pour que les brigadistes aient le droit de résider dans le pays, pour s’acquitter des impôts. Le rythme de travail au sein de la brigade était de 20 jours de travail et 3 jours de repos. Aussi, il fut mis en place une sorte de caisse de solidarité pour aider ceux qui rentraient en Suisse à pouvoir avoir un petit pécule pour entamer les démarches administratives et trouver un travail, un logement…

Comme les autres brigades, ce type d’engagement internationaliste s’arrêta net le soir du 25 février 1990 quand le FSLN perdit les élections. La défaite électorale fut un véritable effondrement. Tout ce capital, les projets menés par la Révolution, tout a été détruit, récupéré, revendu pour le bénéfice de quelques-uns. Bien sûr, les UPE et l’Entreprise Alfonso Nuñez ont été dissoutes, restituées ou revendues… L’UPE Santa Martha a été distribuée sous forme de parcelles, La Estrella a été récupéré par le syndicat pour un projet de gestion collective, San Antonio a été donné aux ex-contras, les ateliers mis en place par la BOS passèrent aux mains des nicas… En quelques mois, des années d’efforts furent anéanties.
Los cafetales en las afueras de La Dalia (Foto L. Sanchis 2011)
Los cafetales en las afueras de La Dalia (Foto L. Sanchis 2011)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire